Conférence animée par B. AZEMA et J.-M. VERDIER (01 décembre 2004)
« Les représentations
croisées du juge et du justiciable en grande précarité »
Le 29 juillet 1998 le parlement adoptait la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. Cette loi et le résultat d’un long combat civique comme aime à la souligner Paul Boucher ancien président d’ATD, elle propose une nouvelle orientation de la lutte contre l’exclusion en s’efforçant de garantir à tous l’accès effectif aux droits fondamentaux.
Que reste-t’il de l’esprit d’une loi si les professionnels ne sont pas en mesure de se l’approprier et de faire évoluer leurs pratiques.
Mettre la misère hors la loi commence par une meilleure compréhension de l’autre, par l’éradication des représentations trompeuses.
Un programme de co-formation voilà l’ambition du croisement des pratiques entre un groupe de professionnels de l’action sociale (je représentais l’institution judiciaire) et un groupe de militants du refus de la misère. Pour être cordiale et riche, la confrontation n’en fut pas moins directe.
Cinq séminaires des trois jours ont rassemblé tous les acteurs du programme, cinq rencontres en sous groupes ont permis d’approfondir des problématiques déterminées.
A partir de récits d’expérience se sont construites progressivement des problématiques qui mettaient en lumière ce qui empêchait les interactions, les logiques des professionnels et des militants, les difficultés de compréhension liées au langage, les représentations, les places et les statuts « hiérarchiques ».
En conclusion, « l’amélioration des interactions entre personnes en difficultés et professionnels se peut faire que par une transformation des conditions dans lesquelles se nouent leurs rapports et se construisent les solutions »
Cette transformation ne pourra se faire que par la poursuite des co-formations.
La justice et donc le juge est directement concerné dans la lutte contre l’exclusion : juge pénal, juge des enfants, juge d’instance autant de fonctions directement confrontées à la précarité matérielle, culturelle ou affective.
Perçue comme une autorité implacable, le juge doit, à l’égard des plus démunis, s’attacher au plus strict respect des exigences de sa fonction : droit de la défense, motivation, respect de la vie privée etc.
Il peut être soumis à une injonction aux accents paradoxaux : « vous les juges vous voulez tout savoir et, vous les juges vous jugez sans savoir » ! Nous pourrons en débattre.
B. AZEMA
Magistrat à la Cour d’Appel de Grenoble